Mais qui suis-je donc?
Je ne sais pas si ce portrait a sa place sur mon blog.
Mais il dĂ©peint en profondeur qui je suis ; il est le rĂ©sultat dâun questionnement poussĂ© sur plusieurs annĂ©es.
Allons-y⊠par contre, si vous nâaimez pas la lecture, dĂ©solĂ© mais câest un peu long...
Je me suis toujours sentie différente.
Du plus loin que je me souvienne, ma scolaritĂ© a toujours Ă©tĂ© subie : je nâĂ©tais pas comme mes camarades. JâĂ©tais Ă part dans la cour de rĂ©crĂ©ation, trĂšs souvent seule ou tout au plus avec une unique copine, et ça ne sâest pas amĂ©liorĂ© en grandissant. Les dĂ©mĂ©nagements et changements dâĂ©coles nâont pas non plus arrangĂ© les choses⊠Je me suis toujours demandĂ© comment les autres nouaient des liens, comment ils faisaient pour se retrouver en groupes. MĂȘme encore actuellement, les gens sont souvent source de tension pour moi, je ne sais pas comment les aborder, parfois jâen fais trop, et parfois jâen fais trop peu, mais jâai toujours lâimpression dâĂȘtre Ă cĂŽtĂ© de la plaque. Un premier contact peut trĂšs bien se passer, et puis la fois dâaprĂšs, je ne sais plus quoi dire⊠jâai le sentiment que personne ne peut comprendre ce que je ressens⊠mes centres dâintĂ©rĂȘts sont assez peu communs, surtout pour une fille⊠Et puis je rejette facilement tout ce qui est souvent populaire parce que ça ne mâintĂ©resse pas, par exemple les chansons qui passent Ă la radio, les Ă©missions de variĂ©tĂ©, le football ⊠Je ne regarde pas la tĂ©lĂ©vision "classique", mais quand j'en vois un aperçu sur les Ă©missions "zapping" proposĂ©es sur Youtube, je trouve ça extrĂȘmement mĂ©diocre : des tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©s oĂč les protagonistes ont des QI d'huitre (dĂ©solĂ© les huitres!), des Ă©missions oĂč des gens chantent et le public tape dans ses mains (tout le monde il est heureux, youpi), des Ă©missions affreuses de personnes qui en jugent d'autres sur leur apparence, leurs vĂȘtements, ou mĂȘme leur propre mariage! Alors je sais que toutes ces Ă©missions plaisent beaucoup, c'est lĂ que je me dis que je ne suis pas comme les autres. Un jour ma belle-mĂšre sâest mĂȘme fĂąchĂ©e contre moi car je ne connaissais pas «Danse avec les Stars », alors quâelle voulait en parler ! Elle me disait que je pourrai regarder, car ça fait partie de la culture gĂ©nĂ©rale! Ăa fait plusieurs annĂ©es, et jâavoue que je nâai pas encore Ă©prouvĂ© le besoin de combler cette lacune !
Lorsque j'Ă©tais en CE1 / CE2, j'avais une amie. Comme j'Ă©tais arrivĂ©e en cours d'annĂ©e, elle m'avait accueillie : elle allait facilement vers les autres, en particulier lorsque ceux-ci Ă©taient seuls. Elle m'avait prĂ©sentĂ©e Ă son groupe de copines, et c'est l'une des seules pĂ©riodes de ma vie oĂč j'ai Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e. J'adorais cette fille. Quand j'ai dĂ©mĂ©nagĂ© 800 km plus loin, je n'ai jamais retrouvĂ© quelqu'un comme elle.
Pourtant, il y a des personnes qui mâattirent. En gĂ©nĂ©ral, ce sont des personnes cultivĂ©es, drĂŽles et ouvertes dâesprit. Jâai eu des amies dans ma vie⊠mais rarement plus dâune Ă la fois, et elles peuvent se compter sur les doigts dâune main : quand jâaime, je suis entiĂšre et exclusive. Sâil mâarrive un truc, jâai envie de courir le raconter Ă mon amie ! Mais jâai appris quâil fallait ĂȘtre modĂ©rĂ© dans ses sentiments. Les gens ont plein dâamis, je ne sais pas comment ils font. Des copines, oui ; mais une amie, câest comme un amour, ça se trouve pas Ă tous les coins de rue ! Pourtant, mĂȘme lâamitiĂ© est compliquĂ©e : je peux facilement me sentir trahie si jâai lâimpression que la personne nâĂ©prouve pas la mĂȘme chose que moi, ou qu'elle n'est pas toujours sincĂšre dans ses proposâŠ
L'anxiété et la "timidité" ont toujours fait partie de moi. Quand j'avais 6 ou 7 ans, il y avait cette dame, Mme C, qui surveillait la cantine. Souvent, elle prenait mon petit visage entre ses longues mains ridées et s'exclamait : "elle est saaaage comme une image !" Mais non, je n'étais pas "sage" : j'étais figée, complÚtement terrorisée, car cette femme me foutait les j'tons en hurlant dans le réfectoire pour demander le silence... Avec du recul, je trouve amusant que le fait que je sois en permanence "pétrifiée" soit pris pour de la "sagesse"... Au collÚge aussi on se moquait de moi comme ça (parmis d'autres joyeusetés) : on me disait que je ressemblais "à une petite fille sage", et qu'il ne me manquait que les petits souliers vernis...
Je me sens bien dans la nature, auprĂšs dâanimaux ou dans les bois. Lorsque jâĂ©tais enfant, jây passais des heures Ă explorer, faire des cabanes, grimper aux arbres, ou tout simplement rester lĂ , au beau milieu de la forĂȘt. Je faisais mĂȘme parfois « le mur » la nuit pour aller me promener lĂ -bas ! Je peux passer de trĂšs longs moments sans mâennuyer Ă Ă©couter le vent qui fait murmurer les feuilles, Ă percevoir tous les bruits de la nature, le chant des oiseaux, Ă surprendre un animal de passage, Ă marcher pieds-nus dans lâherbe, Ă observer une riviĂšre⊠câest lĂ que je suis heureuse, car tout est calme et je ne me sens pas seule.
Les animaux ont une place importante dans ma vie. Jâai toujours Ă©tĂ© attirĂ©e par ces petites bĂȘtes, et mes parents, Ă©mus de lâamour que je leur portais dĂšs mon plus jeune Ăąge, mâavaient pris un petit chat⊠Jâai toujours eu des compagnons Ă quatre pattes, Ă toutes les Ă©poques de ma vie. Sauvage ou domestique, chaque animal est un ĂȘtre qui Ă©prouve des sentiments, fait des rĂȘves quand il dort, aime ses petits⊠bref, ils ne sont pas diffĂ©rents de nous. Quand jâadopte un animal, il fait partie de ma famille pour la vie. Et quand cet ĂȘtre, si petit soit-il, me dĂ©montre de lâaffection, je suis Ă©mue et honorĂ©e, car ils ne mentent pas, leurs sentiments sont purs. A force dâobservations, jâarrive Ă communiquer avec eux, il y a un lien Ă©troit qui se tisse entre nous. Jâai mĂȘme parfois lâimpression que je peux traduire exactement ce quâils pensent ou ressentent⊠alors pourquoi est-ce si difficile dâentrer en relation avec mes semblables, les humains ? Peut-ĂȘtre parce quâils possĂšdent des mots qui peuvent dĂ©former, parfois volontairement, leurs pensĂ©es et leurs sentiments ?
Lorsque jâĂ©tais en classe de troisiĂšme au collĂšge, on nous avait fait faire un genre de profil psychologique pour nous aider Ă nous orienter. Jâavais 19 sur 20 en « artistique » et en « nature »⊠oui, mais que faire avec ça dans ce monde? Une des valeurs qui arrivait ensuite Ă©tait « altruiste » avec 14 sur 20. Et en effet, aussi Ă©trange que cela paraisse, jâaime les gens (sauf ceux qui font du mal), la diversitĂ© et la richesse des personnes, je ne supporte pas que quelquâun puisse souffrir, je tends Ă aider mon prochain sâil est dans le besoin. Je suis devenue Auxiliaire-PuĂ©ricultrice, alors jâai cĂŽtoyĂ© de trĂšs nombreux parents qui semblaient mâapprĂ©cier beaucoup⊠mais Ă©tait-ce vraiment moi, ou mes compĂ©tences et mon amour des bĂ©bĂ©s et jeunes enfants ? Comment expliquer que jâavais une vie sociale trĂšs remplie, en tout cas sur un plan professionnel, et que par ailleurs je sois incapable dâentrer en relation plus personnelle avec tous ces gens ? « On reste en contact ! » disaient-ils souvent. Mais la poursuite de la relation ne peut pas venir de moi, peut-ĂȘtre le sentent-ils. Peut-ĂȘtre nâa t-on plus rien Ă se dire si le sujet nâest plus leur enfant. Peut-ĂȘtre est-ce une maniĂšre moins violente de se dire aurevoir.
Je suis une altruiste solitaire.
De toute maniĂšre, inviter ou recevoir une invitation est aussi source de stress pour moi. Si je suis invitĂ©e, je ne sais pas comment me comporter, je ne vais pas ĂȘtre naturelle, quelque chose en moi sera sous tension et je ne sais comment je gĂ©nĂšre une espĂšce dâaura de malaise⊠vous savez, il y a des gens, quand vous ĂȘtes avec eux, vous vous sentez bien, lâatmosphĂšre est « calme », le silence nâest pas pesant ; eh bien avec moi câest tout lâinverse ! Bon, Ă part avec mes proches et heureusement⊠Et puis si câest moi qui invite (si, ça mâarrive !), jâangoisse plusieurs jours Ă lâavance : « Il faut que jâaille faire des courses. Quâest ce que je vais prĂ©parer Ă manger ? Est-ce quâil y aura assez de nourriture ? Pas trop peu ? Est-ce que ça va ĂȘtre bon? Il faut que je pense Ă ceci, Ă cela... » Pourtant, je nâinvite pas dâinconnus, câest juste ma famille ! Bref, je me prends bien la tĂȘte et jâignore pourquoi, je suis comme ça.
Au dĂ©but, « ne pas ĂȘtre comme les autres » mâaffectait beaucoup ; je ne comprenais pas pourquoi personne ne me disait « Bonne AnnĂ©e », pourquoi personne ne connaissait ma date dâanniversaire, pourquoi personne nâavait besoin de moi.
A 15 ans, je nâavais pas encore saisi qui jâĂ©tais. JâĂ©tais mal dans mes baskets, je me sentais la cible de moqueries au lycĂ©e, comme Ă la maison oĂč mes parents aussi souriaient de ma « naĂŻvetĂ© ». JâĂ©tais trĂšs timide, voire « effacĂ©e » comme lâĂ©crivaient les professeurs sur mes bulletins de notes... Ma mĂšre me traitait de « cruche » ; mes parents trouvaient que jâĂ©tais trop rĂȘveuse, et me reprochaient parfois de mâenfermer dans ma chambre pendant des heures . En effet, je dĂ©vorais des bouquins : jâai lu tout ce qui pouvait concerner les chevaux, les loups, ou les chats (romans, revues, encyclopĂ©dies), et plus tard dans lâadolescence je me suis projetĂ©e dans la littĂ©rature fantastique avec tous les « Stephen King »...
Nâayant pas encore trouvĂ© le mode dâemploi des relations sociales, câest dans cette pĂ©riode que je me suis confiĂ©e Ă une personne que je sentais proche de moi. Bien que nos emplois du temps Ă©taient peu concordants, je ne pouvais pas ĂȘtre souvent avec elle (et puis elle avait dâautres amies), mais je lâaimais beaucoup et elle est restĂ©e mon amie de longues annĂ©es aprĂšs. Je lui ai dit :
« Tu sais, câest difficile pour moi : dâun cĂŽtĂ© jâobserve tous ces gens qui sortent, vont en soirĂ©e, font la fĂȘte sans retenue⊠de lâautre, il y a des gens en plus petits groupes qui aiment faire des sorties plus calmes, sâĂ©clater, ou faire de longues discussions et sortir au cinĂ©ma⊠je ne sais pas Ă quel monde jâappartiens ! »
Jâavais essayĂ© dâobserver tous ces gens. Pour comprendre ce qui clochait chez moi.
Comme si je devais absolument rentrer dans une case.
Ătre comme les autres pour ne pas Ă avoir Ă justifier ma diffĂ©rence.
Ătre comme les autres pour passer inaperçue.
Elle a rĂ©flĂ©chi un tout petit instant. Jâavais toujours admirĂ© chez elle cette Ă©coute et cette vitesse de rĂ©flexion. Et elle mâa rĂ©pondu tout simplement :
« Tu sais, tu nâas pas Ă vouloir te rattacher Ă un monde, tu as ton propre univers. »
Cette petite phrase a tout chamboulé en moi.
Comme si jâĂ©tais enfin quelquâun aprĂšs des annĂ©es dâerrance.
Comme si jâavais le droit dâĂȘtre diffĂ©rente.
Bien longtemps aprĂšs, quand le doute me prenait, je pensais Ă ces quelques mots qui mâavaient aidĂ© Ă y voir plus clair sur ma personnalitĂ©.
Ces quelques mots qui mâont aidĂ© Ă me forger.
Oui, je ne suis pas comme la majorité des gens.
Oh, bien-sĂ»r, cela nâa pas effacĂ© du jour au lendemain la faible estime de moi-mĂȘme : encore rĂ©guliĂšrement, je manque de confiance en moi. Et puis tout nâa pas marchĂ© « comme sur des roulettes » avec cette prise de conscience : Ă 17 ans, je me suis sentie tellement incomprise par mon entourage proche suite Ă un Ă©vĂšnement de ma vie, que jâai voulu en finir avec tout ça⊠mais câest lĂ une autre histoire.
Cette dĂ©couverte nâa pas non plus attĂ©nuĂ© mon sentiment de solitude, mais ça mâa aidĂ© Ă mâaccepter.
Et sur le chemin de lâacceptation, la louve solitaire a trouvĂ© son Alpha.
Et nous avons crĂ©Ă© notre petite « meute » comme je me plais Ă lâappeler. Deux louveteaux rockân roll et atypiques. Nous sommes Ă part, mais ensembles.
Les annĂ©es passant, jâapprends Ă accepter que je suis diffĂ©rente. Jâapprends Ă mâaimer, jâaffine mes goĂ»ts et mes passions, jâarrive aussi Ă dĂ©tecter et Ă Ă©viter ou apprivoiser tout ce qui est difficile pour moi. Je fuis la grisaille des villes, les klaxons et sirĂšnes, les travaux, les marteaux-piqueurs, les camions, le flot incessant des voitures. Je fuis les lieux bondĂ©s de monde (supermarchĂ©s et galeries commerciales, heures de pointe, foule...), donc jâessaie de faire mes courses tĂŽt, par exemple. Quand je parle de « fuite », je ne parle pas forcĂ©ment en termes physiques : ma fuite peut ĂȘtre spirituelle !
Je suis facilement stressĂ©e, jâai besoin de repĂšres. Aller dans un lieu inconnu tient de lâexcursion. Je vais passer 150 ans Ă Ă©tudier le trajet, je vais angoisser Ă lâidĂ©e de ne pas savoir oĂč me garer, je vais avoir peur de ne pas trouver le bon endroit, la bonne salle, les bonnes personnes. Et je me demande : quelle attitude adopter dans ce lieu ? Comment font les autres ? Câest comme si jâavais besoin dâun mode dâemploi pour savoir comment me comporter.
Je suis aussi faite de contradictions.
Jâaime la routine et lâaventure. Ătre grisĂ©e par la vitesse de mon vĂ©lo en descendant une colline sur cette route abandonnĂ©e de campagne. Chausser mes baskets et partir pour une randonnĂ©e dans une contrĂ©e inconnue. Faire une exploration nocturne, quand tout est calme et endormi...
Mais si quelquâun venait me rendre visite sans prĂ©venir, je risquerais dâĂȘtre dĂ©contenancĂ©e (et puis ça tombe toujours au pire moment)!
Personne ne me souhaite la « bonne annĂ©e » ? Tant pis ! Car ça y est, jâai appris que jâaimais cette solitude dans laquelle je me sens sereine. Et puis je ne saurais que faire dâune vie sociale bruyante et/ou envahissante ! Pourtant, je suis heureuse de voir ma famille de temps en temps, mais jâai maintenant clairement identifiĂ© chez moi le besoin de mâĂ©loigner de tout et tous Ă certains moments. MĂȘme parfois lorsque je suis avec les ĂȘtres qui comptent le plus au monde pour moi : ma petite meute.
Jâai souvent peur de passer des appels tĂ©lĂ©phoniques. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Peur de dĂ©ranger, de ne pas savoir mâexpliquer, peur de ne pas savoir Ă qui je mâadresse⊠Câest un peu diffĂ©rent avec la famille, mais câest vrai que je ne pense pas Ă appeler, car en fait je ne sais pas quoi raconter, jâai du mal Ă synthĂ©tiser les Ă©vĂšnementsâŠ
Et puis, il faut manipuler la parole et les mots⊠jâĂ©prouve de la difficultĂ© Ă mâexprimer oralement. En public ou mĂȘme face Ă une seule personne, je ne sais pas choisir mes mots, je suis maladroite, je nâarrive pas Ă exprimer correctement ma pensĂ©e, je nâarrive pas Ă suivre un fil directeur, je mâĂ©parpille, et jâoublie mon propos initial... LâĂ©crit est bien plus facile pour moi : je peux revenir en arriĂšre, rĂ©flĂ©chir au sens des mots tranquillement, corriger jusquâĂ ce que jâarrive Ă peu prĂšs Ă faire passer ce que je veux dire.
Il est arrivĂ© Ă de nombreuses reprises dans ma vie que jâaie vexĂ© quelquâun bien malgrĂ© moi⊠parce que mes silences sont perçus comme de la froideur (alors que câest juste que je nâai rien Ă dire ou que je suis mal Ă lâaise), ou parce que jâai Ă©tĂ© maladroite dans mes paroles que les gens interprĂštent ou y ou voient des sous-entendus (qui ne sont absolument pas intentionnels Ă©tant donnĂ© mon incapacitĂ© Ă rĂ©flĂ©chir en mĂȘme temps quâune expression orale qui me demande beaucoup).
Et puis si jâexprime mon point de vue et que mon interlocuteur est prĂȘt Ă en dĂ©coudre furieusement sur une opinion contraire, je vais laisser tomber. Je pense ĂȘtre Ă lâĂ©coute et avoir lâesprit ouvert, mais je nâai pas envie de joutes verbales, je ne suis pas du tout faite pour ça. Je ne veux pas me battre, les gens pensent ce quâils veulent, je nâaspire quâĂ ma tranquillitĂ©.
« Elle est gentille mais elle ne parle pas » disait dans mon dos une Ă©lĂšve infirmiĂšre lors de mes stages en puĂ©riculture (comme si le fait de ne pas parler pouvait me rendre sourde)⊠Je ne sais pas ce que se racontent les gens, jâai du mal Ă mâintĂ©grer⊠Alors je suis seule, mais ce nâest pas vraiment parce que les gens ne mâaiment pas, câest juste parce que je les laisse indiffĂ©rents. Dans notre sociĂ©tĂ©, il semble important dâĂ©changerâŠ
Pourtant, de lâextĂ©rieur, je pense que rien ne se voit. Jâessaie de donner le change. Peut-ĂȘtre que personne nâimagine tout ce qui se joue dans mon petit cerveau. A prĂ©sent, je me connais et je ne vais pas chercher Ă tisser de liens quand je fais des rencontres sociales. Et du coup ça se passe mieux... quand j'arrive Ă garder le contrĂŽle. Sinon, si je me laisse aller Ă ma vraie nature, je crĂ©Ă© des malaises, ou bien les gens ne m'Ă©coutent pas, j'ai l'impression que je les ennuie royalement dĂšs que j'essaie de raconter quelque chose. Alors je garde pour moi qui je suis et ce que jâaime.
Jâai bien essayĂ© de partager mes passions, mais en gĂ©nĂ©ral mes interlocuteurs ne comprennent pas. MĂȘme quand ils ont lâesprit ouvert, mes centres dâintĂ©rĂȘts ne sont pas trĂšs courants. Oh, si je parle de nature, oui, ça peut passer, mĂȘme si le sujet peut sembler niais⊠Mais si je parle de ma passion pour la science-fiction ou le mĂ©diĂ©val-fantastique, câest rare quâon me suive. Ce ne sont pas des choses qui intĂ©ressent « Monsieur Tout-le-monde », et encore moins cĂŽtĂ© fĂ©minin. Je suis une rĂȘveuse, et tous ces univers mâaident Ă mâĂ©chapper. Je peux plonger dans un bouquin, un jeu vidĂ©o, un film, ou une sĂ©rie, peu importe le support tant que je voyage sur mes thĂšmes favoris. Et puis je suis aussi passionnĂ©e de guitare, mais mon truc câest pas Jeux Interdits, non, jâaime le rock, le style metal, la guitare Ă©lectrique qui crie ses solos et finit en larsen⊠Jâadore le Melodic Death Metal, jâaime planer en essayant de jouer mes riffs prĂ©fĂ©rĂ©s sur lâune de mes guitares chĂ©ries, jâaime aller dans des concerts voir tous ces groupes souvent nordiques (ce sont dâailleurs les seuls moments oĂč je peux accepter dâĂȘtre dans une foule sans mâĂ©nerver)⊠Mon propre pĂšre appelle ça « de la musique de cinglĂ©s », lui qui aimait voir sa petite fille jouer du piano classique dans son salon, autrefois⊠alors quant Ă ĂȘtre comprise et acceptĂ©e dâĂ©trangers, câest peine perdue.
Et puis, mĂȘme si jâĂ©voquais le jeu vidĂ©o, une personne lambda pourra peut-ĂȘtre penser « Candy Crush Saga » alors que je voudrais parler dâaventures Ă©piques, de Jeux de RĂŽles, de survie, de tirs ou de combats Ă lâĂ©pĂ©e⊠Comment Ă©changer avec quelquâun dont les films prĂ©fĂ©rĂ©s sont « Dirty Dancing » ou « Titanic » quand les miens sont « Lord of the Rings » ou « Total Recall » ? Comment ne pas me sentir diffĂ©rente quand les gens Ă la Fac voulaient tous regarder « Beverly Hills » en salle tĂ©lĂ© alors que je rĂȘvais de suivre « Highlander » sur lâautre chaĂźne ? Pourquoi Ă©voquer lâeuphorie que jâĂ©prouve Ă assister Ă un concert de guitares metal et de chant guttural quand mon interlocuteur ne comprend pas de quoi je parle ? Pourquoi vouloir parler dâarbres et de botanique quand pour lâautre le bonheur naĂźt du shopping et de lâacquisition de nouvelles choses ? Comment parler Ă des personnes du plaisir que je ressens Ă faire des choses simples si lâautre rĂȘve de sauter dans un avion pour aller en vacances dans ce pays Ă lâautre bout du monde ?
VoilĂ .
Tout ça câest moi, mon rĂ©cit pourrait sâarrĂȘter lĂ .
Jâai appris Ă me connaĂźtre et Ă accepter ma diffĂ©rence, Ă prĂ©sent je suis heureuse, « Happy End ».
Mais la vie a fait que, bien quâayant travaillĂ© plusieurs annĂ©es avec de jeunes enfants autistes, je doive mâintĂ©resser beaucoup plus personnellement Ă ce sujet. Et comme Ă mon habitude, quand un sujet me touche, je veux tout connaĂźtre dessus. Livres, vidĂ©os, articles, rĂ©seaux sociaux, Ă©missions, jâexplore tout. Et jâai dĂ©couvert Ă©normĂ©ment de choses que jâignorais.
Pour moi, une personne autiste se remarquait forcĂ©ment. Ăvidemment, parce que jâai travaillĂ© auprĂšs dâenfants de moins de 6 ans chez qui les stĂ©rĂ©otypies Ă©taient visibles (et du coup, ils Ă©taient « faciles » Ă diagnostiquer). Mais les symptĂŽmes de lâautisme sont bien plus larges que ça et la connaissance de ce trouble neuro-dĂ©veloppemental ne cesse dâaugmenter au fil des annĂ©es. On ne parle dâailleurs plus « dâautisme » mais de « Troubles du Spectre Autistique », tant cela peut se manifester sous bien des formes.
Enlevez-vous de la tĂȘte quâune personne autiste est « renfermĂ©e », quâelle se balance dâavant en arriĂšre, ou fuit systĂ©matiquement le regard. Ce nâest pas non plus forcĂ©ment un petit gĂ©nie savant ou une personne « attardĂ©e » (mĂȘme sâil peut y avoir des dĂ©ficiences intellectuelles liĂ©es dans certains cas). Tout ceci sont des considĂ©rations anciennes, mais qui ont la peau dure dans lâesprit de beaucoup. Lâautisme, câest juste un fonctionnement diffĂ©rent du cerveau. Un fonctionnement « atypique ».
Voici la dĂ©finition du site « Autisme Info Service » : Lâautisme reprĂ©sente un ensemble de symptĂŽmes. Ces symptĂŽmes varient dâune personne Ă lâautre. Ils peuvent ĂȘtre plus ou moins prĂ©sents et mĂȘme Ă©voluer au fil du temps. Chaque personne autiste est donc diffĂ©rente. Lâutilisation du mot «âspectreâ» permet dâintĂ©grer toute la diversitĂ© des troubles et de signifier lâĂ©volution possible de personne au sein de ce spectre.
Il y a des autistes parmi nous, mais nous ne saurions pas dire qui. Câest invisible.
Les Ă©tudes sur ce trouble ont portĂ© plus largement sur les garçons, parce quâapparemment lâautisme fĂ©minin est plus difficile Ă dĂ©celer et se manifeste diffĂ©remment : une femme autiste camoufle ses traits plus ou moins consciemment, ou ceux-ci sont masquĂ©s par des symptĂŽmes associĂ©s plus rĂ©pandus.Je ne suis pas assez compĂ©tente pour Ă©claircir ici les spĂ©cificitĂ©s de lâautisme au fĂ©minin, mais si le sujet vous intĂ©resse, il y a quelques articles sur le net ; les recherches sont en cours.
Venons-en maintenant au sujet.
Au cours de mes lectures, je suis tombĂ©e sur le schĂ©ma de cette petite pieuvre⊠et cela a fait comme un tilt en moi. Jâai presque eu lâimpression que quelquâun avait dessinĂ© grossiĂšrement tout ce que je viens de dĂ©crire me concernant :
⊠à quelques bulles prĂšs, je coche toutes les cases de cet exemple dâautisme fĂ©minin. Jâaurais mĂȘme pu Ă©crire en partie lâune des bulles, car câest le sous-titre de mon blog « Nature et Geek ».
Je nâarrive pas Ă y croire.
Alors finalement⊠il se peut que je sois comme dâautres personnes. Ma diffĂ©rence est une normalitĂ© pour quelques autres.
Il y a des tests sur le site « Comprendre lâAutisme » ; je dĂ©cide dâen faire un...
Et le rĂ©sultat est : « vous ĂȘtes trĂšs probablement aspie » (sous-entendu autiste Asperger).
VoilĂ .
Je nâen reviens pas. Mon passĂ© prend un Ă©clairage nouveau.
Suis-je autiste Asperger ?
De ces profils dont on sait maintenant quâils peuvent se fondre dans la masse ?
Pour mon Alpha de mari, je ne suis pas du tout autiste, mais je me mets des barriĂšres au fil des annĂ©es. Pour moi, ces « barriĂšres » sont justement la matĂ©rialisation de lâapprofondissement de la connaissance de ma personne. Vous savez, quand je disais que jâapprenais Ă mâaimer ; eh bien, jâapprenais aussi Ă me respecter, et me mettre des gardes-fous lĂ oĂč je me sens en difficultĂ©, câest une façon de prendre soin de moiâŠ
A ceci, le psychologue du coin de la rue pourrait rĂ©torquer quâil vaut mieux affronter ses difficultĂ©s. Pour ma part, mĂȘme si le cheminement est long, je prĂ©fĂšre trouver mon propre Ă©quilibre seule, câest ce qui me mĂšne au bonheur.
Alors⊠qui suis-je vraiment ?
Est-ce que je suis dans le spectre de lâautisme ? Ou pas du tout ?
Eh bien, on ne le saura probablement jamais...
Je pourrai essayer d'aller faire un diagnostic, mais... pour quoi faire? Ce nâest pas important : si mon enfance et ma jeunesse ont Ă©tĂ© socialement difficiles du fait de ce dĂ©calage permanent, Ă prĂ©sent je me connais bien, et poser des mots sur ma personnalitĂ© ne changera pas qui je suis. Et puis, autiste ou non, je nâai pas envie de revendiquer ma diffĂ©rence⊠je ne parle quasiment jamais de qui je suis Ă lâintĂ©rieur, mais Ă prĂ©sent, mĂȘme si je le faisais je ne prononcerai pas le mot dâautisme. Vous seuls, lecteurs, ĂȘtes dans la « confidence » de ce questionnement !
Mais jâavais envie de partager toute cette introspection.
Et je reste la mĂȘme.
Et puis, au fil du temps, aprĂšs rĂ©flexion, mon opinion se modifie un peu : je me dis que si je croise un jour le chemin d'un spĂ©cialiste en TSA, j'irai peut-ĂȘtre le rencontrer par curiositĂ©...
Certains pourraient penser que cet article est une façon dâattirer lâattention sur moi. Alors, câest quâils nâauront pas bien lu mon analyse ! Câest pas grave, je ne mâattarde plus sur les pensĂ©es des gens⊠Par contre, on peut dire que jâaime Ă©crire, ça oui !
Je voudrais cependant prĂ©senter mes excuses auprĂšs des personnes autistes diagnostiquĂ©es et qui rencontrent de vĂ©ritables difficultĂ©s au quotidien, parce quâil se peut que je nâimagine pas un instant ce quâelles traversent...
Merci de mâavoir lu jusque lĂ , dâavoir partagĂ© mes galĂšres et mes dĂ©couvertes, et peut-ĂȘtre entrevoir un peu qui je suis.
« There is a place that holds the answer
Where nothing calls to be set free
It endsâ
andâ
it begins withâ
utter silence
It holds what is betterâ
kept inside
(...)
I want to feel like I belong
I don't want broken promises »
(In Broken Trust â The Halo Effect)